OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME DU GOUVERNEMENT DU 04 MARS 2007 DU PREMIER MINISTRE KASSIRE DELWA COUMAKOYE


OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME DU GOUVERNEMENT DU 04 MARS 2007 DU PREMIER MINISTRE KASSIRE DELWA COUMAKOYE

Monsieur Premier Ministre ;
Messieurs les Ministres ;
Messieurs les membres du Corps Diplomatiques ;
Mesdames et Messieurs les Députés ;

Monsieur le Premier Ministre, vous venez de nous présenter le programme de votre gouvernement.

En tant qu'homme d'expérience, vous n'ignorez pas que nos populations ont entendu beaucoup de programmes qui, s'ils étaient exécutés ne serait-ce qu'en partie, auraient permis au pays d'avoir une bien meilleure allure.

Homme d'expérience, vous savez que les populations tchadiennes ont cessé de croire, voire d'écouter les professions de foi des hommes politiques, surtout ceux du pouvoir.

C'est dire que quand bien-même nous aurions noté çà et là dans votre programme quelques idées intéressantes, des interrogations subsistent quant à la capacité de votre gouvernement à sortir notre pays de la morosité ambiante, de cette situation lourde d’incertitudes que nous vivons présentement.

Je ne vais pas m'attarder sur les orientations ou les préoccupations qui sous-tendent votre programme. Je relèverai simplement quelques points

1- La sécurité des personnes et des biens. Vous nous assurez de votre engagement à la restaurer sur toute l'étendue du territoire. Vaste programme, vaste pari. N'est-ce pas une gageure quand vous savez que nos villes et campagnes sont sillonnées par de bandes armées plus illégales les unes que les autres ? Comment comptez-vous circonscrire les activités de ces milices évoluant dans des sortes de « no man's lands », narguant les autorités civiles et militaires établies, et semblant trouver protection ailleurs, cet ailleurs difficilement identifiable ?

Ce n'est aujourd'hui un secret pour personne : le Ouadi Fira, le Dar Sila, le Guéra, le Salamat entre autres sont devenus les zones de prédilection de ces groupes armés incontrôlés qui sèment la désolation au sein des populations civiles et qui ne ratent pas une occasion pour se livrer des combats, souvent à armes lourdes. Vous savez de quoi je parle.

2- La lutte contre la corruption. Notre pays peine à quitter le peloton de tête des pays la plus corrompus de la planète. A quand la saine gestion des biens publics et du souci de la justice ?

3- La transparence des élections. Monsieur le Premier Ministre, croyez-vous sincèrement à votre capacité à réaliser cette revendication de la classe politique, quand, dans une situation d'état d'urgence, qui signifie restriction des libertés, plus implacable encore dans des régions non citées dans le décret l'instituant, le ministère de l'intérieur s'acharne à organiser pour la mi-mai les municipales ?

Cela confirme-t-il les propos qu'un journal international bien connu vous prêtent selon lesquels « pour vous, l'important c'est l'organisation des élections et non les conditions dans lesquelles elles sont organisées » ?

Comment pouvez-vous concilier votre projet de reprise intégrale du recensement électoral et de refonte des textes relatifs aux organes de gestion des élections, quand le ministère de l'intérieur a déjà constitué la CENI, sur la base des textes en cause, pour les prochaines législatives '?

Le mandat que vous semblez avoir donné à l'Union européenne visant à trouver, avec toute l'opposition démocratique, une plate-forme électorale consensuelle ne commande-t-il pas de surseoir à toute cette agitation, de pousser à ce consensus afin d'avoir des élections sereines et crédibles ?

4- Le dialogue et la main tendue. Monsieur le Premier Ministre, vous savez que votre gouvernement fait face, outre à la méfiance généralisée des populations, des partis politiques de l'opposition démocratique, aux rébellions armées alimentées quotidiennement par les désertions au sein des forces de défense et de sécurité. Que certains Etats, ayant à tort ou à raison des comptes à régler avec votre gouvernement, leur apportent soutiens et appuis, cette situation tire ses origines dans les frustrations au niveau interne.
A vous entendre, on a l'impression que votre politique de main tendue et de dialogue s'apparente à la recherche de ralliement pur et simple à la politique ayant produit ces frustrations et mécontentements.

Je vous exhorte. Monsieur le Premier Ministre, homme d'expérience et connaissant bien ce pays, à prendre votre courage à deux mains, à prendre vos responsabilités, pour prendre en considération tous ces appels du peuple quasi-unanime, réclamant l'organisation d'un dialogue inclusif.

Tout le monde vous interpelle : les jeunes, les associations de la société civile, les syndicats, et surtout les femmes qui sans couleur politique aucune, vous ont interpellé à l'occasion de leur journée internationale.

Monsieur le Premier Ministre, vous savez qu'on ne peut pas indéfiniment et impunément être sourd aux appels et cris de tout un peuple. Surtout qu'aujourd'hui, ces appels trouvent des relais qu'on ne peut taxer de partiaux au sein de la communauté internationale.

Aujourd'hui, notre organisation panafricaine, l'Union africaine vous encourage à créer les conditions de l'organisation d'un dialogue inclusif, c'est-à-dire y compris avec l'opposition armée.

Le Secrétariat général des Nations Unies se propose pour une intervention multidimensionnelle, offrant ses bons offices pour ce type de dialogue. Tous ces intervenants ne vous tendent pas des pièges ; ils perçoivent les difficultés que vivent nos populations et les risques de leur aggravation.

Vous ferez ouvre utile et même patriotique si vous ouvrez la porte à cette perspective. Nul doute que le consensus issu de ce processus créera les conditions les meilleures pour la mise en oeuvre d'un programme cohérent de promotion de la bonne gouvernance, de renforcement de la démocratie, de développement et de lutte efficiente contre la pauvreté.

Monsieur le Premier Ministre, il y aurait beaucoup à dire sur votre programme. Je me limite à ces remarques et souhaits.

Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'un programme bien écrit. Le peuple attend de vous des initiatives concrètes, des actes précis lui indiquant votre engagement à emprunter le chemin de la sortie de l'enlisement

Quand vous prônez l'amélioration des conditions d'organisation des élections, on attend de vous la suspension de la machine infernale actuellement mise en marche, on attend que vous vous investissez pour un consensus électoral, autour de l'Union européenne notamment.

Quand vous prônez la paix, et la sécurité par le dialogue, on attend de vous des contacts transparents avec les organisations représentatives en vue de l'organisation d'un dialogue tel que le demandent toutes les catégories de tchadiens, entendues par toute la communauté internationale.

Je ne suis pas venu apprécier votre programme aujourd'hui. Les professions de foi, j'en ai beaucoup entendu.

J'attends à apprécier vos actes, vos réalisations, avec l'espoir de dire le moment venu : ce que le Premier Ministre Kassiré nous a présenté le 19 mars 2007 n’a pas été un simple catalogue de bonnes intentions, comme d'habitude. Il s’est agi d'un programme volontariste, prenant réellement en compte les aspirations légitimes des Tchadiens qui, eux aussi, ont droit à la paix et à une vie meilleure.


Le Président du Groupe Parlementaire
RDP à l’Assemblée Nationale

LOL MAHAMAT CHOUA

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